CONTEXTE
Le Bassin d’Arcachon, zone de transition d’importance écologique et économique est particulièrement sensible aux activités anthropiques. Les récentes « crises écologiques » à l’échelle du Bassin (mortalité des huîtres, forte variabilité du captage du naissain, recul des herbiers à zostères…) ont soulevé la question du niveau d’imprégnation du système par les micropolluants. REMPAR est né de la volonté des acteurs et des gestionnaires d’établir une veille active des micropolluants sur le Bassin, d’en identifier les origines et d’en réduire l’empreinte par des traitements adaptés ou des mesures de réduction à la source. REMPAR est porté par le SIBA (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon), collectivité qui exerce ses missions statutaires (dont l’assainissement des eaux usées et pluviales, les travaux maritimes et l’expertise environnementale) sur le territoire des 10 communes riveraines du Bassin d’Arcachon et à l’intérieur du Domaine Public Maritime du Bassin. REMPAR est coordonné autour de 5 grandes thématiques allant de la cartographie en micropolluants à la recherche de leviers d’action en lien avec les professionnels.
Les actions présentées ici s’intègrent dans le cadre de l’appel à projets « Lutter contre les micropolluants dans les eaux urbaines », lancé par l’Agence française pour la biodiversité, les agences de l’eau et le Ministère en charge en charge de l’écologie, en partenariat avec le Ministère de la santé. Elles se sont déroulées sur la période 2014–2018.
UN RÉSEAU DE PARTENAIRES
SYNTHESE DES RÉSULTATS
Intra-Bassin et ses tributaires (cartographie de l’empreinte)
Filtres-UV : des suivis réalisés aux étés 2015 et 2016 et en hiver 2017 au niveau de 4 plages du Bassin ont révélé la présence de filtres-UV (résidus de crèmes solaires), à des niveaux pouvant atteindre plusieurs centaines ng/L.
Eléments traces métalliques dans le Bassin : des suivis par échantillonneurs passifs de type DGT ont été réalisés à l’été 2016 dans l’intra-Bassin. Pour le cuivre, ces suivis ont révélé la présence de pics durant la période estivale, à mettre en lien avec l’utilisation de ce métal comme antifouling.
Eléments traces métalliques dans les tributaires : des campagnes de prélèvements réalisées entre 2015 et 2018 indiquent que les teneurs métalliques sont cohérentes avec les différents fonds géochimiques du territoire (aluminium et cobalt notamment) et ne montrent pas de dépassement des normes de qualité environnementale (NQE).
Réseau d’assainissement des eaux usées du Bassin d’Arcachon (cartographie de l’empreinte)
Globalement, que ce soit pour les micropolluants organiques (plus de 150 molécules appartenant à 6 classes : filtres UV, médicaments, pesticides, hormones, biocides et conservateurs) ou les métaux (17 éléments analysés), l’empreinte observée est cohérente avec ce que l’on peut retrouver ailleurs au niveau national et international.
La modélisation de la dispersion des rejets du Wharf (exutoire final et unique du réseau d’assainissement à l’océan) appliquée aux teneurs métalliques indique qu’après rejet à l’océan, ces dernières sont très inférieures aux NQE et PNEC pour les eaux marines.
Eaux pluviales (cartographie de l’empreinte et solution de traitement)
Les eaux pluviales restant une source de micropolluants non investiguée sur le Bassin d’Arcachon, trois sites ont été instrumentés pour évaluer l’empreinte en micropolluants (16 HAP, 100 pesticides et 17 métaux) dans les eaux pluviales et déterminer des flux de micropolluants. Pour les pesticides par exemple, les résultats montrent la présence majoritaire de glyphosate et d’AMPA (avec des concentrations variant de la trentaine de ng/L au µg/L pour le glyphosate). Egalement, plusieurs molécules à usage de biocides dans les produits de construction, comme le tébuconazole (avec des concentrations de l’ordre du ng/L), sont identifiées.
Des analyses spécifiques sur un ouvrage de traitement des eaux pluviales (bassin d’infiltration) montrent un transfert vers la nappe de certaines molécules, les teneurs restant très faibles et inférieures à ce qui est mesuré dans les eaux pluviales (teneurs dans la nappe de l’ordre du ng/l voir inférieures au ng/L pour les pesticides par exemple). De plus, l’analyse des résultats pour les éléments traces métalliques (ETM) indique un fonctionnement complexe du bassin d’infiltration avec un possible relargage dans le temps de plusieurs éléments par l’ouvrage.
Eaux usées hospitalières (cartographie de l’empreinte, écotoxicité et traitement)
Une enquête sur les produits utilisés (médicaments, tensioactifs et biocides) au Pôle de Santé d’Arcachon (PSA), ainsi que des analyses chimiques comparant les rejets hospitaliers et urbains ont été réalisées. Les résultats indiquent que les rejets du PSA ne montrent pas de spécificité en termes de micropolluants par rapport aux rejets urbains, et qu’ils contribuent de manière très minoritaire à l’apport en micropolluants par rapport à ces derniers. Il n’est pas nécessaire de traiter les rejets du PSA séparément des rejets urbains.
Afin d’évaluer l’écotoxicité des rejets du PSA et l’efficacité d’une solution de traitement sur sa réduction, un laboratoire de terrain ainsi qu’un pilote de bioréacteur à membrane ont été mis en place. Le bioréacteur seul ne montre pas un bon abattement des teneurs en 4 médicaments connus pour être réfractaires aux traitements biologiques conventionnels. L’ajout d’une colonne de charbon actif au pilote augmente considérablement les rendements d’élimination. Enfin, les résultats d’écotoxicité sur organismes modèles (huître, poisson zèbre, corbicule) et sur lignées cellulaires montrent que le bioréacteur seul ou couplé à un module de charbon actif réduit l’écotoxicité des rejets du PSA.
Pratiques et leviers d’action : l’exemple des résidus médicamenteux sur le Bassin
Dans le but d’identifier les leviers d’action pour réduire dès la source les rejets de résidus médicamenteux, des enquêtes de pratiques ont été conduites. Il en ressort que les résistances au changement individuel sont encore importantes. Actuellement, les changements passent par une évolution des pratiques des professionnels de santé leur permettant de dégager du temps pour développer l’éducation thérapeutique des patients.
Afin de sensibiliser les professionnels de santé, le SIBA a notamment organisé des soirées d’information. En 2017 et 2018, 2 soirées rassemblant respectivement 30 et 80 participants ont ainsi été proposées. Également, le SIBA a développé en partenariat avec l’organisme Cyclamed des supports de communications (tampon, chevalet, affiche) à destination des professionnels de santé du territoire, faisant le lien entre les pratiques de récupération des médicaments non utilisés et la préservation de l’environnement.
Aujourd’hui, les messages de sensibilisation en lien avec les pratiques de récupération des médicaments non utilisés font consensus. Des actions plus ambitieuses (comme la substitution d’un médicament sur la base de critères environnementaux) sont freinées par le manque de retour d’expérience et par un regard qui tend à opposer «préservation de l’environnement» et «préservation de la santé publique». Ce type de démarche s’inscrit donc sur le long terme.
Perspectives
La fin de l’appel à projets « Micropolluants des eaux urbaines » ne signifie pas pour autant l’arrêt des actions : la réussite du réseau et la somme des connaissances acquises ont décidé les élus du SIBA et les partenaires à pérenniser REMPAR. Les futures actions du réseau se focaliseront notamment sur les pratiques de réduction à la source en lien avec les professionnels ; également, le format de REMPAR va évoluer de manière à intégrer les actions initiées dans les autres réseaux d’expertise du SIBA.